ORIGINES DE TINCHEBRAY

Sur la Préhistoire, il y a peu à dire en ce qui concerne Tinchebray. Elle a laissé quelques traces à Saint-Jean des Bois, où une sorte de relais semble avoir été établi le long de l'Egrenne. Mais l'absence de cours d'eau importants rendait la région impropre à la pénétration. Outre cela, pendant la période la plus active du Paléolithique, celle qui vit l'apparition de l'Homo sapiens, la calotte glaciaire venait mourir suivant une ligne qu'on peut situer de Brest à Strasbourg.
Malgré le réchauffement qui suivit, II faut attendre l'arrivée des Celtes en Armorique au IVème siècle avant J.-C. pour constater un peuplement plus homogène. On s'interroge encore sur l'origine de ces Celtes qui venaient des confins de l'Europe et de la Perse. Un seul point est sûr : leur langage était d'origine indo-européenne. Ceux qui franchissent le Rhin et les Alpes s'appelleront Gaulois. Ils remontent les cours d'eau, quelques-uns empruntent la vallée de l'Orne et s'aventurent le long du Noireau jusqu'au point où celui-ci se transforme en marécages qui se prêtent à l'aménagement d'une cité lacustre. Mais la vase en est « noire », et l'on n'y accède pas sans«tacher les brayes ».
Ainsi naquit TINCHEBRAY. Les philosophes n'admettront pas cette origine du nom, trop simpliste ? Retenons-la cependant, puisque tous les spécialistes, qui se sont penchés sur cette question, n'ont jamais réussi à se mettre d'accord, sauf sur un point : le caractère celtique du mot. En le latinisant, César a longtemps compliqué le débat qui reste ouvert.
Ce qu'il faut retenir de cela, c'est l'emplacement du Tinchebray primitif, à cet endroit qu'on appelle aujourd'hui le Pont Notre Dame. C'est un fait constant que les premières agglomérations d'hommes se sont toujours constituées au bord de l'eau, ou même sur une eau peu profonde. Non seulement elle était la seule voie d'accès, mais elle assurait une nécessaire protection.
La région étant alors une des plus déshéritées de la Gaule, où l'agriculture était encore inexistante, les Romains ne l'occupèrent que dans la mesure exigée pour le maintien des communications. C'était l'objet du camp établi sur le Mont Saint-Pierre, au pied duquel passait l'une des voies reliant la vallée de la Loire aux Côtes de la Manche.
Au Vème siècle, les Barbares ne s'y attardèrent pas plus que les Romains. Et l'évangélisation en fut plus lente qu'ailleurs. La population essentiellement paysanne était réfractaire à la religion nouvelle. Ce n'est pas sansraison que les mots « paysan » et « païen » ont une racine commune. Ainsi, de tout temps, dans les campagnes, les idées neuves passent pour subversives ; on y pratique la philosophie, mais on n'en fait point.
Saint-Evroult s'y acharne cependant en multipliant les fondations chrétiennes. Aucune trace ne permet de situer dès cette époque l'implantation du christianisme à Tinchebray ; mais elle s'est faite comme partout ailleurs suivant un processus bien connu des érudits contemporains. Les vocables des églises sont devenus des repères précieux pour les chercheurs. Leur emplacement aussi. Ainsi, on a remarqué que la plupart des églises primitives sont dédiées à Saint-Pierre, et qu'elles sont construites à l'extérieur de l'agglomération lorsque celle-ci est encore païenne. Il semble bien que ce soit le cas de Tinchebray.
Ainsi, avant l'église paroissiale actuelle existait une précédente église Saint-Pierre, détruite au début du XIXème siècle, dont il est fait mention dans des textes remontant à Guillaume le Conquérant qui précisent toujours qu'elle était située « près de Tinchebray » (Juxta Tenerchebranum). C'est d'autant plus vrai que, Jusqu'à la Révolution, cette église est restée le siège de la paroisse réservée aux habitants de la campagne environnante. Quand le christianisme fut agréé par les gens du bourg, on édifia alors une église dédiée à Sainte-Marie, dont l'emplacement est mal connu, et qu'il ne faut surtout pas confondre avec l'église des Montiers actuelle. Pour éviter toute ambiguïté, II convient de rappeler que l'appellation Notre-Dame n'est entrée en usage qu'au XlIIème siècle.
Pour en terminer avec la topographie religieuse, II faut retenir que l'église des Montiers est liée à l'histoire des léproseries. Dès le retour des premiers Croisés au Xllème, une grave épidémie de lèpre s'étendit sur toute la France. Mais les établissements hospitaliers construits pour la circonstance, - distincts des maladreries comme II en existait une au voisinage de la Madeleine -, relevaient directement du domaine royal et le restèrent jusque sous Henri II, bien que depuis longtemps il n'y eut plus de lépreux, C'est pourquoi au XVIème siècle on envisagea de restaurer cette église fort délabrée, qui devint alors l'église paroissiale du bourg de Tinchebray sous le vocable de Notre-Dame des Montiers, et qui le resta jusqu'à la reconstruction de l'actuelle église Saint-Pierre inaugurée en 1835.
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